Droits de douane américains : le patriotisme économique pour répondre à Donald Trump ?

Penser que le patriotisme économique permettra de se couper des États-Unis - et de toute forme de commerce avec les Américains - est une grande illusion. C’est commercialement totalement impossible. Cela reviendrait même à faire le jeu de Donald Trump et à tomber dans les mêmes travers de ce que l’on appelle l’isolationnisme.

Il faut plutôt prendre le contrepied et jouer la souveraineté économique. Le terme est invoqué jusqu’à présent dans tous les discours mais sans réelle application concrète à grande échelle. La période que nous vivons est une opportunité de passer des mots, de la parole, aux actes, et à grande vitesse. Mais vu l’urgence de la situation, c’est peut-être plus facile à dire qu’à faire.

Concrètement, la souveraineté économique consiste à créer une France et une Europe attractives pour renforcer notre tissu économique. Sans tout attendre de l’argent public ou des plans d'aides à répétition de l'exécutif européen, il faut faciliter l’investissement public et privé, nous apprendre – à nous, Français et Européens – le goût du risque pour nous renforcer sur le plan industriel. Le défi est d’autant plus difficile si on veut conserver les précieux acquis de l’État providence qui est le nôtre depuis la fin de la dernière guerre mondiale, notre système social et de santé, tout en restant compétitif commercialement sur la scène internationale.

Le geste politique d'Emmanuel Macron

Lors d’une réunion, jeudi 3 avril à l’Élysée, avec tous les secteurs touchés par l’offensive américaine, le président de la République a appelé à suspendre les investissements aux États-Unis. En faisant une telle proposition,  le chef de l’État se place sur le terrain politique. Nous sommes dans les mots, le discours. Un entrepreneur, lui, doit agir avec des actes pour maintenir son activité et les emplois. Abandonner le terrain et suspendre les projets en cours serait une erreur car rien ne dit que Donald Trump va gagner "sa" guerre commerciale. Sa politique est inflationniste et les consommateurs américains vont très vite en subir les conséquences. Pratiquer la politique de la terre brûlée est illogique sur le plan économique et entrepreneurial.

Citons le cas de l'armateur marseillais CMA-CGM qui a récemment créé la polémique en annonçant un investissement de 20 milliards de dollars aux États-Unis. Cet investissement, décidé et préparé de longue date,  ne peut pas être gelé du jour au lendemain. D'autant que CMA-CGM, qui va continuer d'investir en France et ailleurs, réalise aujourd'hui le quart de son chiffre d’affaires outre-Atlantique.

Donc attention aux simples paroles sans en anticiper les lourdes conséquences. Le "patriotisme" français ou européen pour répondre au "nationalisme" économique de Trump représente un danger. En revanche, le moment est mûr pour créer les conditions d’une nouvelle souveraineté économique et industrielle européenne. Mais cela demande de dépasser les simples incantations politiques.