Bérénice Bejo joue une militante dans "Mexico 86" : "Ça a été une manière de comprendre ce que mes parents avaient vécu"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 23 avril 2025 : l'actrice Bérénice Bejo. Elle est à l'affiche du film "Mexico 86" de César Diaz, qui sort au cinéma.
Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
L'actrice Bérénice Bejo, lors de la 50e cérémonie des César, le 28 février 2025, à Paris. (LAURENT LAIRYS / MAXPPP)
L'actrice Bérénice Bejo, lors de la 50e cérémonie des César, le 28 février 2025, à Paris. (LAURENT LAIRYS / MAXPPP)

Bérénice Béjo est actrice franco-argentine, arrivée en France à l'âge de 3 ans avec ses parents qui ont dû fuir leur pays et la dictature militaire. Après des apparitions dans des courts-métrages et des petits rôles, elle a obtenu son premier rôle dans le film Meilleur espoir féminin de Gérard Jugnot, qui lui a valu d'ailleurs d'être nommée dans cette catégorie aux César. César qu'elle obtiendra dans la catégorie meilleure actrice pour son rôle dans The Artist en 2012, qui, selon ses dires, est un cadeau de la vie. Elle a également reçu le prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes en 2013. Elle est à l'affiche de Mexico 86 du réalisateur guatémaltèque César Diaz, qui sort ce 23 avril. Nous sommes en 1986, elle est Maria, une militante révolutionnaire guatémaltèque exilée à Mexico. C'est là qu'elle poursuit son action politique, loin de Marcos, son fils, confié à sa grand-mère dès sa naissance.

franceinfo : C'est une énorme caisse de résonance avec vos parents. Même s'ils n'étaient pas militants révolutionnaires, ils ont été des militants culturels.

Bérénice Bejo : Tout à fait. Ils étaient militants en Argentine avant que je ne naisse et puis jusqu'à mes 3 ans. Après, ils ont fui et ils sont venus en France pour nous offrir un monde meilleur, où on pouvait s'exprimer et où on pouvait avoir des rêves surtout. Je dis ça parce que ma grande sœur est venue cet hiver en France avec mes neveux et j'ai constaté que mes neveux n'avaient pas de rêve. Ils habitent en Argentine, ils ont 16 et 14 ans et ils n'ont pas de rêve. C'est-à-dire qu'ils sont dans un pays où on ne leur donne pas la possibilité de rêver. Je leur demande : "Qu'est-ce que vous voulez faire plus tard ?" Et ils me répondent : "Je vais peut-être faire des petits bracelets, je les vendrais sur la place". Ils sont dans un monde qui est difficile, où il n'y a pas d'argent, où 50% de la population vit sous le seuil de la pauvreté. C'est très compliqué et Maria, c'est ça, elle veut offrir un monde meilleur à son fils, mais aussi au monde.

On vous sent combattante, ça va au-delà du film. Est-ce que vos parents vous ont transmis ça ?

Mon père m'a transmis l'amour du cinéma et ma mère m'a transmis cette espèce de féminisme très fort, d'être indépendante, de se battre pour la justice. Ma mère voulait être avocate, elle voulait être juge, donc j'ai ça dans le sang. Elle s'est battue pour nous offrir un monde meilleur, mais même concrètement, à Paris, elle n'avait pas d'argent. Elle s'est battue pour trouver de quoi nous nourrir tous les soirs. Donc j'ai ça dans les veines et puis il y a aussi un sacrifice de la part de ma mère. Elle nous a offert un monde meilleur, mais du coup elle a sacrifié aussi son pays. Elle a sacrifié sa vocation pour nous offrir un monde meilleur. Maria, c'est l'inverse, elle sacrifie sa vie de famille pour ses idéaux, pour son combat.

Vos parents ont mis du temps à vous parler des difficultés du pays et là, il n'y a pas de hasard. Avec cette proposition, César Diaz vient vous secouer, vous remuer et vous repousser dans vos derniers retranchements.

Quand je joue avec ma grand-mère, j'ai l'impression que c'est ma mère maintenant, et du coup tout se mélangeait et c'est vrai que les sentiments se mélangeaient d'une scène à l'autre.

"Quand je joue Maria, j'ai l'impression de jouer ma mère. Quand je regarde le petit Matteo qui joue mon fils, j'ai l'impression que c'est moi."

Bérénice Bejo

à franceinfo

Les personnages, ça a été une manière pour moi de comprendre et d'expérimenter ce que peut-être mes parents avaient vécu.

Quand on regarde votre parcours, il y a toujours une notion de silence dans vos films. Par moments, il faut des silences pour marquer, des regards ?

Pour marquer l'écoute. 

"C'est tellement important l'écoute. Pour moi, c'est ce qui me rend meilleure actrice."

Bérénice Bejo

à franceinfo

C'est, ce qu'on me raconte, ce que ça me fait, et comment je réagis à ce qu'on vient de me dire. C'est bizarre parce que mon fils m'a dit, il y a cinq jours : "Tu sais maman, il y a des fois, tu me fais trop la morale, tu veux trop m'expliquer le monde et des fois, je veux juste que tu m'écoutes et c'est chiant". C'est horrible, c'est vraiment la mère que je ne veux pas être et ça m'a vraiment bouleversée. Il y a des fois, je n'y arrive pas. Je devrais plus écouter parce que c'est très important.

Ce qui est le plus important dans tout ce parcours et on le ressent dans les derniers choix de vos films, c'est la transmission, ce qu'on fait de l'héritage. Qu'est-ce que vous faites de cet héritage qu'on vous a transmis ?

Je suis très fière de ce que mes parents m'ont transmis malgré les difficultés qu'ils ont eues. Ils m'ont transmis beaucoup d'empathie, de ne pas porter trop de jugement sur les autres et l'amour de ce qu'on ne connaît pas, de la curiosité.

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