Attiéké, saké et queijo minas : nouvelles denrées alimentaires inscrites au patrimoine de l'Unesco
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Quelques-unes des derniÚres inscriptions sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco pourraient composer un délicieux repas. L'attiéké ivoirien, le saké japonais ou encore le queijo minas (fromage minas) brésilien ont été inscrits lors de la 19e session intergouvernementale de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel à Asuncion, au Paraguay, qui s'est achevée le samedi 7 décembre. Franceinfo Culture vous déroule le menu (ou la carte).
L'attiéké, la semoule de manioc que la CÎte d'Ivoire offre au monde
"Les savoir-faire liĂ©s Ă la fabrication de l'attiĂ©kĂ©", un plat ancestral et emblĂ©matique de la CĂŽte d'Ivoire, figurent depuis mercredi 4 dĂ©cembre sur la liste du patrimoine culturel immatĂ©riel de l'humanitĂ© par l'Unesco. "Mets incontournable de la richesse culinaire ivoirienne, et profondĂ©ment enracinĂ© dans le quotidien des communautĂ©s, l'attiĂ©kĂ© est consommĂ© tous les jours et Ă diverses cĂ©rĂ©monies comme les mariages, les baptĂȘmes, les funĂ©railles et les rĂ©unions communautaires", a expliquĂ© Ramata Ly-Bakayoko, dĂ©lĂ©guĂ©e permanente de la CĂŽte d'Ivoire auprĂšs de l'organisation onusienne pour l'Ă©ducation, les sciences et la culture (Unesco), prĂ©sente Ă Asuncion.
L'attiéké, semoule de manioc légÚrement aigre qui accompagne les poissons et les viandes en sauce, est un pilier de l'alimentation quotidienne en CÎte d'Ivoire et dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest. Elle est préparée à base de tubercules de manioc séchés, broyés et tamisés. La farine ainsi obtenue est mélangée à du manioc fermenté et enfin cuite à la vapeur. Au fil du temps, elle est devenue un marqueur de la culture ivoirienne et un élément de fierté qui s'exporte à travers le continent.
Les peuples lagunaires, du sud de la CĂŽte d'Ivoire, sont les dĂ©tenteurs et praticiens des savoir-faire liĂ©s Ă la fabrication de l'attiĂ©kĂ©, explique le dossier de candidature dĂ©posĂ© par la CĂŽte d'Ivoire. En 2023, l'Organisation africaine de la propriĂ©tĂ© intellectuelle (OAPI) a enregistrĂ© l'"attiĂ©kĂ© des lagunes" en indication gĂ©ographique protĂ©gĂ©e (IGP) puis mi-2024, labellisĂ© en "marque collective", empĂȘchant les semoules de manioc produites dans d'autres pays d'ĂȘtre commercialisĂ©es sous le nom d'"attiĂ©kĂ©". La semoule est, par exemple, aujourd'hui fabriquĂ©e en Chine.
Le queijo minas, fromage brésilien "made in" Minas Gerais
C'est la premiĂšre fois qu'une denrĂ©e alimentaire brĂ©silienne entre dans cette liste du patrimoine immatĂ©riel qui comprend dĂ©jĂ la pizza napolitaine ou le ceviche pĂ©ruvien. Les modes traditionnels de fabrication d'un fromage artisanal de l'Ătat brĂ©silien de Minas Gerais (sud-est) ont Ă©tĂ© inscrits mercredi au patrimoine immatĂ©riel de l'humanitĂ© de l'Unesco. Ce fromage, Ă base de lait cru de vache, est connu sous le nom de queijo minas (fromage minas), allusion au nom de l'Ătat Ă forte tradition miniĂšre et agricole oĂč il est produit, le deuxiĂšme le plus peuplĂ© du BrĂ©sil, avec plus de 20 millions d'habitants. C'est aussi le premier Ătat producteur de lait et de fromage du pays sud-amĂ©ricain, puissance agricole de premier plan.
Le queijo minas artisanal est produit le plus souvent par des "agriculteurs familiaux (...) dans de petites exploitations rurales" nichĂ©es dans des collines verdoyantes, indique le dossier de candidature du BrĂ©sil. Environ 9 000 producteurs fabriquent ce fromage de façon artisanale dans le Minas Gerais. Le produit compte plusieurs variĂ©tĂ©s selon les terroirs oĂč il est produit. Dix rĂ©gions sont rĂ©pertoriĂ©es, comme celles du Serro ou de la Canastra.
Le savoir-faire traditionnel s'est développé à partir du XVIIIe siÚcle, quand la moitié de l'or de la planÚte sortait des mines du Minas Gerais durant la colonisation portugaise. "Les Portugais ont amené les techniques européennes de fabrication du fromage en raison de la nécessité de conserver cet aliment lors des voyages" dans cette vaste région miniÚre, précise le dossier de candidature. Ces techniques ont ensuite été adaptées localement.
Le queijo minas est le septiĂšme bien culturel brĂ©silien inscrit au patrimoine immatĂ©riel de l'humanitĂ©, au mĂȘme titre que la capoeira ou le frevo, rythme traditionnel du carnaval de Recife (nord-est).
Le sakĂ©, l'alcool de riz japonais que la planĂšte s'arrache dĂ©jĂ
Le savoir-faire traditionnel relatif à la fabrication du saké, alcool de riz japonais intimement lié à la culture et à la religion dans l'archipel nippon, a été également inscrit mercredi sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. L'inscription concerne aussi le shochu, une liqueur distillée (à base de patate douce, orge, riz), principalement dans le sud-ouest du Japon, tandis que le plus célÚbre saké, à base de riz japonais, est lui brassé dans tout l'archipel, et parfois à l'étranger. Le saké a un taux d'alcool plus fort que la biÚre ou le vin, et plus faible que le shochu.
Le saké est brassé en utilisant du riz fermenté grùce à l'action du koji, une moisissure aussi utilisée pour la sauce soja et le miso, qui produit les enzymes transformant l'amidon du riz en sucre. Les variétés de riz utilisées sont différentes de celles destinées à la cuisine, dont les grains sont plus ronds et plus gros. "L'une des caractéristiques intéressantes de la fabrication du saké est que l'homme aide la moisissure à déclencher la fermentation, plutÎt que de laisser la nature faire le travail comme pour la fabrication du vin", explique Taku Takahashi de la brasserie Toshimaya Shuzo à Tokyo.
Il existe deux types principaux de saké : l'un fabriquĂ© uniquement Ă partir de riz et appelĂ© junmai, et un autre oĂč le junmai est mĂ©langĂ© Ă de l'alcool distillĂ©. Chacun de ces types peut ĂȘtre classĂ© en trois catĂ©gories dĂ©pendant du degrĂ© de polissage du riz utilisé : sakĂ© normal, ginjo et dai-ginjo, souvent le plus cher. Le polissage influe aussi sur l'arĂŽme final : plus il est intense, plus le sakĂ© est fruitĂ© et sec.
La technique du brassage de la boisson, en plusieurs Ă©tapes, aurait Ă©tĂ© Ă©tablie au milieu de l'Ăšre Edo (1603-1868), et n'a guĂšre Ă©voluĂ© depuis. Il existe environ aujourd'hui 1 400 brasseries en activitĂ© dans l'archipel selon la Japan Sake & Shochu Makers Association (JSS). Des brasseries de sakĂ© existent aussi dans d'autres pays, comme en France, aux Ătats-Unis ou en Nouvelle-ZĂ©lande. Dans la religion shinto, les principales offrandes faites aux dieux sont traditionnellement le riz, les gĂąteaux de riz et le sakĂ©. La boisson est Ă©galement utilisĂ©e pour marquer de nombreux Ă©vĂ©nements et occasions. Elle permet notamment aux employĂ©s japonais, les "salarymen", de crier "kanpai !" (santĂ©). Ă savoir : quand on commande du sakĂ© au Japon, le mot dĂ©signe l'ensemble des boissons alcoolisĂ©es. Pour l'alcool de riz, il faut demander du nihonshu.
En 2023, les Japonais n'en ont ainsi bu "que" 390 millions de litres, contre 1,7 milliard de litres en 1973. Le succĂšs du sakĂ© Ă l'Ă©tranger suit cependant la trajectoire inverse, bien que l'essentiel de la production soit encore consommĂ© au Japon : les exportations ont plus que doublĂ© depuis 2011, pour atteindre 29 millions de litres en 2023, les plus gros buveurs Ă©tant les Ătats-Unis et la Chine.
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